En Chine, depuis l’Antiquité, résonne une brève phrase que les Chinois se transmettent de génération en génération, phrase qui tire son origine du Livre des Mutations, le Yi Jing, premier ouvrage de la pensée chinoise, rédigé mille ans avant notre ère, auquel se réfèrent aussi bien le taoïsme que le confucianisme. Cette formule se compose de quatre caractères, percutants comme des coups de cymbales : Sheng-sheng-bu-xi, ce qui signifie: « La vie engendre la vie, il n’y aura pas de fin. » C’est cette maxime qui a permis au peuple de survivre à tous les conflits meurtriers et à toutes les catastrophes.
L’homme, petit être perdu au sein de l’univers, a bien du mérite. En dépit de tout, il a tenu et continue de tenir le flambeau de la vie. Entrant dans la vie, il doit assumer les épreuves provenant de tous les niveaux du monde environnant et de son être propre : biologique et psychique, éthique et spirituel. Dans ces épreuves, la suprême étant la mort, il connaît douleurs et souffrances. Il y a là une indéniable grandeur. Par-delà les épreuves, toutefois, des joies lui sont accordées, charnelles comme spirituelles, couronnées par un grand mystère, celui de l’amour. Sans l’amour, aucune jouissance ne prend son sens plénier ; avec l’amour, qui engage tout l’être, tout est pris en charge, le corps, l’esprit et l’âme.
François Cheng, Cinq méditations sur la mort, Albin Michel 2013, pp. 69 et sq.