Le qigong est-il taoïste ou confucéen ?

Voilà une question bien caricaturale qu’on entend trop souvent, tout aussi caricaturale que l’opposition convenue entre un taoïsme érigé en archétype du lâcher-prise et un confucianisme stigmatisé comme modèle de rigidité. Le mode Yin-Yang permet de sortir de ce faux dilemme. Le qigong, comme tout art chinois, n’est ni taoïste ni confucéen exclusivement ; comme tout ce qui est chinois, il relève à la fois de l’un et de l’autre sans antinomie, mais par cycles consécutifs. Tout art chinois, physique, artistique, moral, est avant tout un cheminement.
Le confucianisme jouit en Occident d’une image déplorable, toute faite de rigueur, de soumission à l’autorité, d’obéissance aux règles, de dévalorisation des femmes et de mépris du corps. Cette caricature, qui aurait horrifié Confucius sur lui-même, n’a que peu de rapport avec le message de droiture morale et d’exigence personnelle qui fonde l’enseignement du sage de Qufu (…).
À l’inverse, le taoïsme jouit d’une image lénifiante, qui en fait une sorte de credo cotonneux et confus grâce auquel chacun peut trouver son épanouissement personnel par l’harmonisation des contraires et la fusion avec le grand tout, pourvu qu’il accepte de ne pas trop réfléchir. Lao Zi est certes un très bon guide pour qui cherche à être plus à l’écoute de son corps, puisque les pratiques physiques taoïstes amène chacun à la développer en soi la perception du souffle interne, ce flux invisibles qui échappe à la perception mentale. Mais en même temps, tout pratiquant sincère le sait bien, l’apprentissage de n’importe quel art physique chinois, qigong, taijiquan, etc., n’a rien d’un long fleuve tranquille. Cela ressemble plutôt à une démarche exigeante qui demande résolution, endurance et ténacité, des qualités typiquement confucéennes.(…) Lao Zi apprend à être confucéen d’une manière légère ; Confucius enseigne à être taoïste d’une manière sérieuse.

 

Cyrille J.-D. JAVARY ; YIN YANG ; Albin Michel, 2018, p. 139