C’EST PAR LE NON-AGIR QUE L’ON GAGNE L’EMPIRE

Tao-Te-King chapitre 48

Le non-agir n’est ni passivité, ni fatalisme, il n’y a là ni nonchalance, ni démission.

« C’est l’homme tombé du pont de l’inexistence dans le fleuve de l’existence. Il sait qu’il s’épuisera et se noiera s’il cherche à nager à contre-courant pour rejoindre ce pont qu’il croit ferme et solide. Il choisit donc d’accepter et d’assumer le courant du fleuve. Et il découvre qu’ainsi, il ne se fatigue pas et, qu’en manoeuvrant habilement, en jouant avec les courants et leurs forces, il peut, en fait, aller où il veut, pourvu que ce soit vers l’aval. Il cherche donc à aborder sur quelque rive accueillante aperçue devant. Il aborde, s’installe et regarde déjà le fleuve avec nostalgie.

Déjà, il pressent que la « vraie vie » n’est pas sur la berge, quelque fleurie et jolie soit-elle, mais dans le fleuve même. Et un jour, las d’être au sec dans son esprit comme dans son coeur, il abandonne son asile et replonge dans l’onde. Et là, il revit. Il vit enfin. Il a fini par comprendre que le monde sec (le pont, la berge) n’est pas le monde, n’est pas le réel, que ce monde-là n’est qu’un monde idéal inventé, illusoire, fantasmagorique. Lorsqu’il a compris cela, lorsqu’il a replongé, lorsqu’il nage doucement, tranquillement, se laissant porter par le flux, il devient eau dans l’eau, il devient vie dans la vie, il devient Tao dans le Tao. »

Marc Halévy, Citations taoïstes expliquées ed. Eyrolles